– Des inégalités constamment niées
– Cent raisons d’être encore féministe
– Penser le non-genre
– Une différence essentielle?
– Fuck le genre!
– Qu’est-ce qu’une image sexiste?
– Femmes en politique
– Après la révolution
– La révolution sexuelle au rayon X
– Salope, va, c’est bien!
– Le féminisme écolo: ni essentialiste, ni universaliste
– Rions un peu avec le sexisme
Publié par Chiche!
A poil les machos!
Enfin la voilà, après trois ans de gestation, cette brochure éditée autour de Chiche ! sur les questions de genre ! Le titre était choisi depuis longtemps, d’après un vieux slogan écolo- alternatif. Quant au contenu, il n’est pas tout à fait représentatif de nos idées, puisque certains sujets comme le couple créent des lignes de fracture importantes dans notre mouvement.
Il n’empêche, nous étions touTEs d’accord pour dire que le féminisme avait bien besoin d’un petit coup de pouce.
Sylvia et Aude ont commencé par nous donner de bonnes raisons d’être féministes ou proféministes, secondées par le site web lesbien Les Fées du logis. Petit intermède déconstruction du genre et des normes sexuelles, avec “Penser le non-genre”, “Une différence essentielle ? “et “Fuck le genre !”. Mix-Cité, mouvement mixte pour l’égalité entre les sexes, a été mis à contribution avec un texte sur le sexisme dans les images de la vie quotidienne. Mathilde, Anne- Gaëlle, Aude, Intrigeri et Mathieu, garçons et filles, militantEs dans les questions de genre, ont été interrogéEs sur des sujets variés : le couple, la politique, la révolution sexuelle. Aude en remet une couche dans “La révolution sexuelle au rayon X “, puis avec “Salope, va, c’est bien !”, en faisant un bilan critique de ce mouvement qui influence aujourd’hui nos comportements et nos mentalités. Enfin, parce que qu’est-ce qu’on pense nous en tant que jeunes écolos, Iseline arrive à dépasser essentialisme et universalisme dans un féminisme qui réinvente autonomie et écologie. Nous vous souhaitons une bonne lecture, et n’oublions pas que l’on fait de la politique jusque dans sa chambre à coucher !
Des inégalités constamment niées
Être féministe aujourd’hui, c’est de “l’archéologie”(sic): “ça n’a plus de sens, vous l’avez l’égalité, vous voulez maintenant mettre à mal notre identité masculine”. C’est ce que nous disent beaucoup d’hommes, certains nous parlent même de la supériorité des femmes, capables de donner la vie. Regardons cette égalité de plus près.
En France 80 % des pauvres sont des femmes, alors que celles-ci représentent 49 % de la population générale. Alors que la loi proclame “à travail égal, salaire égal”, elles gagnent encore 20% de moins que les hommes à temps de travail égal. De plus, elles représentent la majorité des personnes travaillant à temps partiel (80%), plus souvent contraint que choisi.
D’autre part, quand on parle du chômage par catégories (âge, diplôme, catégorie sociale), on ne fait que rarement mention du chômage plus important des femmes. Encore une fois une inégalité de genre est masquée : le rapport de domination à l’origine de l’exclusion des femmes du marché du travail, ainsi invisibilisé, est nié.
Enfin, à la maison, les femmes travaillent davantage que les hommes, pendant que la part du travail domestique masculin augmente de 10% tous les dix ans. Et elles sont les victimes privilégiées des violences sexuelles : le viol est toujours commis par un homme, et le plus souvent contre des femmes. De plus, six femmes meurent chaque mois sous les coups de leur compagnon, et lors de l’enquête ENVEF, une femme sur dix a déclaré avoir subi des violences (de quelque ordre qu’elles soient) dans les douze mois précédant l’enquête. Et on pourrait en rajouter ! Alors il semble qu’il y ait encore du travail avant d’arriver à l’égalité… Je ne crois pas que le féminisme soit dépassé, au contraire il est plus que jamais d’actualité. D’ailleurs, plus j’en apprends, plus je suis persuadée que notre combat est juste et légitime.
Être féministe, c’est donc garder un œil sur les inégalités de tout ordre, non plus seulement sur celles entre hommes et femmes, mais aussi entre riches et pauvres, Européens et sans papiers, etc. Je ne suis pas féministe pour demander des avantages sur les hommes, je le suis parce que ça me semble être le lieu idéal pour combattre une société inégalitaire.
Sylvia et Aude
CENT RAISONS D’ETRE ENCORE FEMINISTE
Si vous ne savez plus quoi répondre aux jeunes ou moins jeunes femmes qui vous sortent sans rougir “Ah non moi je ne suis pas féministe, je ne suis pas anti-mecs”; ou “Mais non le féminisme ça ne sert plus à rien, l’égalité on l’a si parfois le découragement vous gagne et que vous ne savez plus trop pourquoi vous luttez fées du logis vous offre tous les mois des raisons plus ou moins sérieuses de devenir ou de rester féministe. Merci qui ? Merci les Fées du logis !
D’accord, les Fées du logis prennent les inégalités hommes/femmes par le petit bout de la lorgnette… Mais soyons juste, c’est notre sélection qui a mis l’accent sur cet aspect. Ceci parce que ces inégalités prennent appui sur du symbolique, qui s’exprime dans les moindres détails. C’est donc en ayant un œil acéré et ironique sur ces détails qu’on fait avancer la cause. Aussi. Voici donc
>Parce que quand un gamin est placé en crèche ou en nourrice, c’est parce que Maman travaille et non pas parce que Papa ET Maman travaillent.
>Pour que les profs d’histoire n’enseignent plus qu’en 1789 sont nés la véritable démocratie et le suffrage universel, parce que, déjà, les conditions pour les hommes étaient draconiennes {âge, statut social…) et jusqu’à preuve du contraire, les femmes n’ont obtenu, elles, le droit de vote qu’en 1944 !
>Pour que les mêmes profs ne rétorquent pas aux petites féministes en herbe qui leur font remarquer que, quand même, m’sieur, les femmes ne pouvaient pas voter, que c’est un détail et que l’important c’est ce principe merveilleux de l’universalité (masculine)…
>Parce que y’en a marre du “masculin qui l’emporte sur le féminin en grammaire”, avec la fallacieuse raison : “mais le masculin est universel”. Faux ! ce n’est qu’une convention grammaticale !
>Parce que la première cause de mortalité des femmes entre 18 et 45 ans, devant les accidents de la route et le cancer, c’est les mauvais traitements subis à la maison.
>Parce que quoi qu’on dise la femme n’a pas plus le gène du repassage que l’homme.
>Parce qu’un homme qui fait la cuisine est un chef cuisinier tandis qu’une femme qui fait la cuisine est tout simplement une femme.
>Pour qu’on arrête de vous demander si on doit dire “Madame” ou “Mademoiselle” avec un regard entendu.
>Parce que j’en ai marre de lire ou d’entendre dire que “(grosse) salope” est un compliment signifiant bonne, excitante, bon coup. Et grosse pute, c’est un compliment aussi ?
>Parce que j’en ai assez qu’on me dise qu’il y a égalité de chances et que la parité est déjà faite alors que dans 99% des cas c’est LA secrétaire et LE patron.
>Pour qu’on arrête de demander systématiquement aux femmes politiques comment elles arrivent à concilier vie politique et vie de famille alors qu’on ne demande jamais à un homme politique comment il arrive à concilier vie politique, cumul des mandats, emploi et vie de famille.
>Parce que si on n’arrive pas tout de suite à trouver ce qui cloche avec le magnétoscope, le mâle d’à côté ne peut s’empêcher de dire qu’il faut le laisser faire, LUI il sait ce qui ne va pas.
>Parce que si on préfère se débrouiller toute seule, ce n’est pas qu’on a mauvais caractère, c’est juste qu’on n’a plus deux ans.
>Pour qu’on arrête enfin de demander à la fille qui est énervée “T’as tes règles ? !”, parce que “elle non, mais moi oui et alors ?”
>Pour que voile, tonte du corps, etc. ne soient plus des moyens d’opprimer la femme.
>Parce que deux femmes qui bavardent ne bavassent pas obligatoirement.
>Pour que, lorsqu’on remplit un formulaire, à la case “sexe”, la lettre “H”ne soit pas toujours la première. Après tout “F” la précède dans l’alphabet.
>Pour qu’on arrête de nous bassiner avec les nouveaux pères ! En quinze ans, le temps accordé par les pères à leurs enfants a augmenté en moyenne de… dix minutes. Et le temps total est loin d’approcher les 50%. Donc ce serait bien que certains hommes comprennent que leur part de parentalité ne finit pas à la conception.
>Pour qu’on cesse de considérer que “femme au volant, mort au tournant”, parce que, vu les statistiques, les accidents mortels sont provoqués en grande majorité par des hommes… Comme le proclamait l’ancien slogan de la Sécurité routière “Auto-macho : auto-bobo”…
>Pour que lorsqu’on est quatre copines à se promener dans une rue, il ne se trouve plus de petits malins qui nous disent “alors, mesdemoiselles, vous êtes toutes seules ?”, parce que non, nous ne sommes pas toutes seules, nous sommes quatre.
Plein d’autres raisons sur le site des Fées du logis : www.feesdulogis.net.
PENSER LE NON GENRE
Et si nous inventions une autre vision de la question relative aux rapports hommes-femmes ? Et si nous ne nous bornions pas à dénoncer les inégalités, afin de penser différemment les définitions et les contours de ce que l’on nomme le genre ? Voici quelques éléments théoriques pour nous aider à dépasser nos conceptions bien étroites de ce que sont hommes et femmes.
Le genre : le dépassement d’une explication biologique de la hiérarchie des sexes. Il nous faut commencer par rappeler ce qu’est le genre. Ce concept apparu dans les années 70 dans les pays anglo-saxons [1] permet la distinction entre sexe biologique et construction sociale du masculin et du féminin. Ainsi, lorsque je parle du sexe d’une personne, je me réfère à son anatomie, et quand j’évoque son genre, il s’agit là de tout le reste, c’est-à-dire de ce qui a été intégré par les hommes et les femmes comme modèle du masculin et du féminin. Le sexe fait ainsi référence aux différences biologiques constatées ; le genre se réfère lui à la classification sociale du masculin et du féminin. Il regroupe toutes les différences constatées entre hommes et femmes tant au niveau individuel, qu’au niveau des rôles sociaux ou des représentations culturelles. La sociologie a largement démontré que ces différences n’ont rien de naturel et qu’elles sont le produit d’une construction sociale qui commence à la naissance, se poursuit pendant l’enfance puis tout au long de la vie adulte. Le rappel à la féminité exigée pour les femmes est constant, d’ordre à la fois insidieux et mental (Bourdieu [2] parle de violence symbolique pour exprimer l’adhésion des dominées aux dominants), et aussi très concret, avec la violence réelle, psychologique ou physique (faut-il rappeler que chaque mois, en France, six femmes meurent de violences conjugales ?). Les hommes subissent également une socialisation les obligeant à démontrer leur virilité. Je ne développerait pas davantage ici ces questions de socialisation différenciée selon les sexes car tel n’est pas mon propos.
La notion de genre nécessite d’être critiquée et repensée. La pensée de Christine Delphy est éclairante de ce point de vue [3]. Celle-ci explique en effet tout d’abord que l’adoption du concept de genre donne à comprendre trois éléments : le contenu social et arbitraire de ce qui est compris dans les différences entre les sexes ; un singulier (“le” genre) qui permet de penser le principe de partition lui-même (et pas seulement les parties divisées, masculin et féminin) ; la notion de hiérarchie entre les sexes. Mais la sociologue déplore que l’on continue finalement de penser le genre en terme de sexe; on l’envisage simplement comme une dichotomie sociale déterminée par une dichotomie naturelle. Le genre serait un contenu et le sexe un contenant. La question de l’indépendance du genre par rapport au sexe n’est pas posée. Elle affirme que la plupart des auteurs se demandent à quel type de classification le sexe donne naissance, mais la question n’est jamais : pourquoi le sexe donnerait-il lieu à une classification quelconque ? On admet l’antériorité du sexe sur le genre, donc on se situe dans une théorie où le sexe cause le genre. Christine Delphy pense quant à elle que le genre précède le sexe, et que celui-ci est simplement un marqueur de la division sociale, il sert à reconnaître et identifier les dominants des dominés. Donc elle estime que quand on met en correspondance le genre et le sexe, on ne compare pas du social et du naturel, mais bien du social avec encore du social, c’est-à-dire les représentations que se fait une société donnée de ce qu’est la “biologie”, (un article de Nicole-Claude Mathieu [4], se référant à Paola Tabet [5],donne à voir une explication matérialiste intéressante d’une “biologisation” des corps des femmes ayant pour objectif la reproduction)
Christine Delphy explique ensuite que de nombreux-ses féministes cherchent à abolir la hiérarchie existante entre hommes et femmes sans pour autant dissoudre la distinction, abolir les contenus mais pas les contenants. Or les catégories du masculin et du féminin sont elles-mêmes issues de la hiérarchie, du système de domination. Par conséquent, si la hiérarchie est dissoute, (nous sommes bien d’accord, il s’agit là d’une vision utopique permettant de penser le genre et ainsi nos objectifs) les notions même de masculin et de féminin disparaissent. Ces notions ne peuvent exister sans la sur-valorisation de l’une au détriment de l’autre. La distinction entre les sexes sert uniquement de support mental à la domination masculine. Il nous faut donc quitter nos présupposés de complémentarité entre les sexes qui structurent notre pensée actuelle. On ne peut pas imaginer les valeurs d’une société égalitaire sur le modèle de la somme ou de la combinaison du masculin et du féminin actuels. Créés dans et par la hiérarchie ils ne pourraient survivre à celle-ci. Il s’agit alors de penser un monde où les différences de sexe ne feraient plus sens, ce qui est, il est vrai, plutôt difficile à imaginer.
Pour ne jamais conclure.
Les utopies nous permettent de définir ensemble des objectifs de société vers lesquels nous souhaitons tendre. L’idée d’une société où la différence de sexe ne revêtirait pas davantage de sens que le fait d’avoir des yeux bleu ou vert me paraît séduisante. Cela ne signifie en aucun cas une moindre diversité, mais bien au contraire une reconnaissance de toutes les différences, sans qu’aucune soit marquée du sceau de la honte, ou au contraire représente la norme de référence. Aujourd’hui, être une femme, c’est être différente face à la norme masculine (tout comme être noir c’est être différent face à la norme “blanche”). Dans le monde que nous dessinons ici, être femme ne serait qu’une différence parmi d’autres, tout comme être homme, blanc, hétérosexuel, etc. Comme le dit si bien Pascale Molinier [6], notre individualité pourrait alors s’exprimer dans tout sa chatoyance au lieu d’être enfermée dans une seule de ses caractéristiques [7]. Alors, en avant touTEs, réalisons nos utopies et dépassons le genre !!
Sylvia
UNE DIFFERENCE ESSENTIELLE ?
Absorbée par mes idées queer, j’en oubliais que dans les cafés du Commerce et à la une des Sciences et vie on en est resté à l’idée résumée ainsi par un ami chichon lors d’un débat sur la question : “La différence entre les hommes et les femmes existe, tu veux que je te la montre ?”
Heureusement, le forum du chicheweb, sur lequel cette question a suscité plus de réactions qu’aucun autre thème, et ses visiteurs masculins m’ont ramenée à des considérations plus basiques. Ils y réitèrent le caractère essentiel des différences entre les sexes, en avançant les mêmes arguments préhistoriques. L’anthropologie nous montre que toutes les sociétés ont sur-biologisé les différences entre hommes et femmes. Les Grecs anciens, pour ne citer qu’eux, ont ainsi mis la chaleur et la sécheresse du côté du corps de l’homme, tandis que celui de la femme était froid et humide. Au XIXème siècle, des théoriciens reprennent cette distinction en attribuant au sperme le pouvoir de “réchauffer” le corps féminin, de durcir ses fibres [8]. L’idée que la société a pu nous formater de manière différente selon le genre qu’elle nous avait assigné est en somme relativement nouvelle et reste peu pensée. Jusqu’ici je me sentais démunie devant les arguments essentialistes de la majorité bien bruyante qui assène ses idées à coups de best-sellers sur les hommes qui viennent de Mars. Mais une émission scientifique de bonne tenue me permet enfin d’exprimer de manière moins sentimentale mon rejet absolu de ces idées que je juge nauséabondes, car finalement elles n’ont pas d’autre but que de refuser une réelle égalité entre hommes et femmes.
Les hommes sont meilleurs en maths
En moyenne lors de tests de mathématiques les hommes ont de meilleurs résultats que les femmes. C’est une différence qui apparaît seulement à l’adolescence mais qui est indéniable. Si on creuse, on apprend cependant à se méfier de ce résultat. En effet ces différences varient dans le temps long, et ne cessent de s’estomper au fur et à mesure que l’éducation des garçons et des filles tend à être la même. D’autre part l’anxiété des filles est plus forte lors de ces tests, ce qui explique leurs résultats plus faibles. Enfin, dans certains pays comme le Japon, ce sont les femmes qui ont les meilleurs résultats en maths. Et l’effet “moyenne” fait perdre de vue un point important : évidemment, beaucoup de femmes ont de très bons résultats.
Les hommes savent mieux lire les cartes et s’orienter dans l’espace
On explique souvent ce fait supposé par des raisons historiques, plus précisément préhistoriques. Les hommes allaient chasser, ils étaient obligés de savoir bien s’orienter, et ce caractère s’est conservé depuis lors, les individus mal adaptés étant voués à la disparition. C’est partir du principe que toutes les sociétés ont partagé les tâches comme notre société traditionnelle. Ce qui est faux. Les sociétés préhistoriques n’ont vraisemblablement pas réservé la chasse et l’exploration aux individus mâles. Et dans certaines sociétés africaines ce sont les femmes qui partent à la recherche de la nourriture, ce sont elles qui ont besoin de qualités d’orientation. La préhistoire a bon dos, un jour les hommes vont se permettre de tirer leur compagne par les cheveux parce que c’est comme ça que l’imagerie traditionnelle représente les rapports hommes/femmes dans ce passé fantasmé.
Ce qui est vrai, c’est que les spécialistes du cerveau passent leur temps à chercher à établir des généralités. Et ils n’y arrivent pas le plus souvent, car la variabilité interindividuelle est très forte. On corréle n’importe quoi avec n’importe quoi, le taux de testostérone avec n’importe quelle caractéristique culturellement masculine. Et on nous assène un jour que les garçons aiment mieux le foot car ils ont les deux genoux plus éloignés l’un de l’autre que les filles. Biologiser nos différences, c’est adopter une vision bien réductrice, trop déterministe, de l’être humain.
Aude
FUCK LE GENRE !
Le genre, une construction sociale
Le sexe biologique est une chose ; le genre, ou construction sociale d’une identité sexuelle à partir de ce sexe biologique, en est une autre. Les identités sexuelles strictes et contrôlées socialement ne peuvent plus longtemps avoir cours. Michel Foucault nous raconte l’histoire d’Herculine Barbin, androgyne charentaise du XIXème siècle, sommé-e de choisir entre deux identités, l’une strictement masculine, l’autre strictement féminine. On connaît aussi, tout au long de l’Histoire, des cas de travestissement, d’homme en femme ou le contraire. Ce que maintenant on appelle le “queer” [9] n’est donc pas l’attribut d’une modernité devenue folle. C’est simplement pousser plus loin le rejet des genres étroitement normés. Garçons aux cheveux longs, filles en pantalon dans les années 1960 et 1970, et puis drag queens, gouines butch ou trans (travesti-e-s ou trans- sexuel-le-s qui poussent au bout leur transformation physique), sont les manifestations les plus shocking d’une société qui ne veut plus plier son apparence, ni son comportement, à une norme prédéfinie.
Sur la jupe
Pierre Bourdieu a montré dans La Domination masculine comment la jupe pouvait façonner le corps d’une femme. La jupe droite des assistantes et des cadres enserre le corps. Elle règle une enjambée étroite (les fameux petits pas exécutés en talons hauts) et interdit de s’asseoir n’importe comment : pas de jambes négligemment écartées, et il faut lisser la jupe sur ses fesses pour éviter les faux plis. La jupe aussi montre les jambes, qui doivent dans ce cas être impeccables : forme acceptable, dont le galbe est amélioré par les talons hauts, pas un poil qui dépasse. A un corps féminin déjà en moyenne moins poilu (ça, c’est la nature), on demande de ne plus être poilu du tout (exigence sociale). Et la jupe sert à contrôler cette norme capillaire. La jupe se porte même quand il fait froid, au contraire du pantalon des hommes qui se porte même en période de canicule. Le vêtement, qu’il soit masculin ou féminin, ignore les saisons. Il ne se porte pas pour avoir chaud, mais pour être le signe d’une appartenance à une société ou à une classe sociale, encore plus à l’un des deux genres socialement définis.
Contre le coït
Cette construction sociale des genres est associée à une répartition des tâches, domestiques, professionnelles, et sexuelles. Le combat féministe a bien montré comment cette répartition constituait de fait une inégalité, en termes de temps, d’argent, de liberté, de statut social. Attachons-nous un moment à la construction de normes dans le domaine de la sexualité. L’acte hétérosexuel se met en place autour du coït, le plus souvent vaginal : caresses, cunnilingus, fellation {dans l’ordre !) ne sont que des préliminaires à l’acte sexuel proprement dit : le coït, qui s’achève par un orgasme. Les féministes ont longtemps lutté pour la liberté de pratiquer ce coït comme elles l’entendaient, grâce à la contraception et à la liberté d’avorter. Mais ce coït, qui met en scène un-e pas-sif-ve et un actif, un dominant et un-e dorniné-e, s’intégre trop bien dans l’ordre normal des choses pour que nous l’acceptions sans le remettre en question. D’autres pratiques sexuelles (sexe oral, masturbation réciproque, SM) permettent d’éprouver du plaisir. Pourquoi dans ce cas le coït serait-il indispensable à la sexualité aussi bien homo qu’hétéro ? Et si le coit devient un acte sexuel parmi d’autres, place qu’il mérite, pourquoi ne cesserions-nous pas de dire “sauter” et “se faire sauter”, “pénétrer” et “se faire pénétrer”, “enculer” et “se faire enculer” ? On pourrait dire à la place “se faire englober le pénis avec l’anus”, ou “emprisonner un godemiché avec son vagin”.
Tou-te-s des enculé-e-s
Dans son Manifeste contra-sexuel, Beatriz Preciado nous rappelle que nous sommes tous égaux devant notre trou du cul. Hommes et femmes biologiques, homos, hétéros ou bis, nous avons tous un anus également érogène. On peut préférer la pénétration ou l’annulingus à l’excitation manuelle de surface, mais on ne peut nier le plaisir que peut nous apporter cette zone. La sodomie est associée à un rapport de domination. Les pédérastes enculaient les érastes dans la Grèce antique (au contraire, la pénétration de l’anus d’un homme mûr était une perversion). De nos jours encore, un honnête homme n’ose pas demander cela à une honnête femme, mais l’exige de la part d’une pute ou d’une fille “qui aime la queue” (parfois pour mieux établir une différence entre les femmes qu’on respecte et celles qu’on saute, les salopes). Et pas question de pénétrer l’anus d’un homme hétéro ! Dans ce contexte, la pénétration est un acte politique. Pénétrer sans accepter d’être soi-même pénétré, c’est accepter jusque dans son lit un ordre patriarcal hétérocentré. Pour être réellement subversif et libéré, monsieur, inutile de consommer à tout va du sexe en pratiquant un multi-partenariat de bon ton. Un joli godemiché dans le cul vous ouvrirait plus d’horizons.
Aude
A lire…
Michel Foucault, présentation du récit de vie d’H. Barbin : Herculine Barbin,diteAlexina B., Gallimard, 1978
Judith Butler, Gender trouble. Feminism and the subversion of identity, Routledge, 1990
Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Le Seuil, 1997
Marie-Hélène Bourcier, Queer Zones, Balland, 2001
Beatriz Preciado, Manifeste contra- sexuel, Balland, 2000
QU’EST CE QU’UNE IMAGE SEXISTE ?
Il n’existe pas de règles ou de critères définitifs, car le caractère sexiste de telle ou telle image est avant tout une question de contexte : les images, mais aussi les slogans (parfois les deux) peuvent être porteurs de stéréotypes sexistes.
Une image sexiste est celle qui utilise des stéréotypes sexistes (tant féminins que masculins) pour faire vendre tel ou tel produit. Elle perpétue ainsi les clichés qui fondent la société patriarcale : un homme est fort, une femme est jolie et délicate, il aime les voitures, elle fait la vaisselle, etc.
Les parties du corps seules, l’absence de tête, etc. contribuent à la réification et à la marchandisation du corps humain et déshumanisent encore les femmes présentées.
La question du lien entre la nudité et le produit se pose souvent. Quand on montre une femme nue pour vendre une voiture, la réponse est claire, la pub est sexiste. Mais que faire des pubs de sous-vêtements ? Là, c’est la posture, le slogan, etc. qui compte. Mais il semble aussi que vendre de la lingerie soit un prétexte pour pas mal de publicitaires : toutes les grandes marques de distribution (C&A, Printemps, H&M, …) font de préférence leur publicité sur des sous- vêtements (donc ils sont “obligés” de montrer des femmes nues…) alors que ce n’est pas cela qu’ils vendent en priorité.
Une image sexiste banalise des situations de violence envers les femmes : des images de femmes battues, frappées, images qui jouent sur le registre de la “femme battue” , ne sont pas rares.
Une image sexiste impose des normes physiques et des façons d’être et de se comporter : hommes et femmes ne sont regardâmes que s’ils sont jeunes et beaux (minces pour les femmes, musclés pour les hommes).
Quelles sont les différentes attentes des hommes et des femmes par rapport au couple ?
Mathilde : Je suppose que les attentes vis-à-vis du couple dépendent du sexe. Les petites filles à qui l’on offre des poupées Barbie en robe de mariée doivent plus rêver d’amour romantique et de mariage que les petits garçons qui reçoivent en cadeau des flingues en plastique… Je suis effarée quand je lis les magazines “pour filles” de ma soeur âgée de huit ans : il y est question d’amour, de garçons, de séduction… Christine Delphy dit que les femmes sont conditionnées, qu’elles grandissent dans le mythe de l’amour romantique qui dure… Souvent on laisse entendre que la réussite du couple est plus importante pour une femme que pour un homme (on dit : “réussir sa vie de femme” jamais “réussir sa vie d’homme”). Les femmes seraient plus “dans le couple” que les hommes.
Anne-Gaëlle : Déjà, on peut dire que femmes et hommes n’ont certainement pas les mêmes attentes par rapport au couple. Pour aller vite je dirai que les hommes ont besoin d’être rassurés dans leur ego (les femmes aussi certes) mais il y a beaucoup plus d’avantages pour un homme que pour une femme : notre société donne un rôle prépondérant à la figure masculine au sein de la famille et légitime donc le pouvoir exercé par celui- ci dans cet espace. De plus l’exclusivité est la base de l’appropriation d’unE individuE par unE autre, donc on ne peut construire des rapports égalitaires sur cette base. De plus, pour un homme, le couple est quasiment (peut-être moins aujourd’hui) garant de la fidélité de sa partenaire alors que les relations extraconjugales sont implicitement admises pour l’homme.
En fait, je dirais que hommes et femmes à la recherche d’une vie en couple recherchent avant tout une sécurité et rentrent donc parfaitement dans la paranoïa ambiante. La sécurité, aujourd’hui c’est vivre selon des normes imposées afin que personne ne vienne t’emmerder dans ta vie quotidienne et ne porte de jugement sur tes choix.
Les femmes souffrent-elles du couple comme nous le disent les enquêtes sur la santé mentale des femmes mariées ? Souffrent-elles quand elles sont en couple ? Quand elles n’y sont pas ?
Mathilde Si les femmes souffrent en couple, c’est sans doute parce qu’elles sont harassées de tâches ménagères en plus de travailler à l’extérieur, c’est sans doute parce qu’elles sont responsables de la bonne marche du ménage, elles doivent materner les autres (enfants et éventuellement mari) mais personne ne les “materne”, elles… Bien sûr qu’elles souffrent aussi quand elles sont seules, la souffrance fait partie de la condition humaine. Mais je ne crois pas que les gens en couple soient plus heureux que les célibataires. Le célibat est souvent présenté comme une solution imparfaite, le manque de quelque chose… C’est très idéologique. Ce qui est bien vu c’est de former un couple stable qui élève des enfants. D’où la valeur fidélité.
Anne-Gaëlle : Je ne sais pas ce que disent exactement les enquêtes, en tout cas, il est à noter qu’une part non négligeable des violences faites aux femmes ont lieu dans la sphère privée c’est-à-dire la famille et le couple. Comme je l’ai expliqué au-dessus, le couple est l’espace où l’homme peut exercer son pouvoir dans la plus grande impunité. De plus il crée des liens de dépendances qui ne favorisent pas une vie épanouie puisqu’il n’aboutit pas à des relations égalitaires. Par conséquent je ne vois pas comment les fem
mes pourraient ne pas souffrir dans cet étau ! Après, je pense que le fait de ne pas vivre en couple, si c’est vécu comme quelque chose de subi et non comme un choix, peut énormément faire souffrir surtout si on recherche à tout prix à se conformer aux normes socioculturelles.
Notre société présente le couple comme modèle de vie dominant. Des alternatives à cette domination ?
Mathilde : Je pense qu’il faut valoriser d’autres modes de socialité, comme tu le dis, l’amitié, le groupe… Pour te dire le fond de ma pensée, je trouve le thème du couple assez chiant. J’ai attendu le prince charmant, puis la princesse charmante, ce qui est peut-être un peu plus subversif mais ne mène pas à grand-chose. Le militantisme, le travail, l’amitié, la recherche d’épanouissement sexuel ont plus de place dans ma vie que l’amour.
Anne-Gaëlle : Il est clair que le couple en tant que mode de relations interpersonnelles basé sur l’exclusivité nous est imposé comme norme socioculturelle. Mais il y a des tonnes d’alternatives, toutes aussi enthousiasmantes les unes que les autres !!!
Je pense notamment à la non-exclusivité , si elle s’accompagne d’une volonté de déconstruction de la norme, d’un dialogue permanent entre les différentEs protagonistes. Je dirais d’ailleurs que la non-exclusivité, avant de se vivre, elle se pense. C’est une manière politique de penser et d’agir.
Si on va plus loin, on peut considérer que le concept même d’amour est à revoir peut- être serait-il préférable de parler des amitiés amoureuses ?
Et puis je pense qu’il faut arrêter de croire que notre bonheur passe avant tout par la satisfaction de nos désirs sexuels {même si, je ne le nie pas, cela procure un réel plaisir). Aujourd’hui, j’essaie de mener ma vie sereinement en mettant la priorité sur les relations que je peux entretenir avec mes amiEs, car je sais que ces relations sont basées sur une recherche d’égalité, mes amiEs ne m’étouffent pas, me font rarement des reproches sur ma présence ou mon absence, respectent mes choix de vie, ne sont pas jaloux-ses et peuvent vivre sans moi !
Intrigeri : Mon intuition me dicte que le spectre des relations sociales est tout en continuité, et que tout découpage de ce spectre – par exemple via le langage – est forcément issu d’une construction sociale.
Mais la société capitaliste et son bras armé, la morale bourgeoise normalisatrice, voudraient me voir ranger arbitrairement mes relations dans des tiroirs étiquetés “amitié”, “amour”, etc.
L’état de couple est un de ces tiroirs ; il implique l’exclusivité amoureuse et l’exclusivité sexuelle. Il commence à une certaine date et se termine à une autre. Élevé au statut norme sociale, il est considéré comme une condition nécessaire à mon épanouissement.
Je ne me retrouve pas dans cette norme.
L’exclusivité amoureuse et sexuelle obligatoire m’oppresse. Je veux pouvoir aimer différentes personnes, à divers degrés de proximité affective et/ou sexuelle, construire différentes relations dans le temps ou fugitivement, simultanément ou non. L’énoncé que je viens de faire est une posture politique. Un refus de l’enfermement, de la possessivité impliqués par le couple.
Je souhaite donc vivre des relations moins enfermantes que le couple.
Et c’est difficile. Car apparaît rapidement, dans cette démarche, un décalage entre posture politique et ressenti. Je m’explique : en tant qu’être social, en tant qu’homme, mes fonctionnements internes sont construits socialement ; il ne me suffit pas d’adopter une posture politique qui me semble rationnelle et épanouissante pour révolutionner, du jour au lendemain, mes ressentis et mon rapport à l’altérité.
Je ne veux pas me mentir à moi-même. Je ne peux donc pas décréter que je ne ressentirai plus, que je n’exprimerai plus ni possessivité, ni dépendance affective, ni toutes les autre émotion ou attitude que je refuse d’un point de vue théorique. De ce fait, je ne puis me résoudre à laisser la dictature du non-dit réguler, par défaut, mes rapports amoureux. Adopter en la matière une posture spontanéiste reviendrait en effet à supposer que mon ressenti s’adaptera, de lui-même, à mes idées. Ce serait laisser libre cours au processus de refoulement de celles, parmi mes émotions, qui entreraient en opposition avec mes opinions. Qui plus est, partir de cette supposition ne peut que créer et/ou renforcer le décalage entre mes attentes et celles de mes “partenaires”; sous un libéralisme amoureux et/ou sexuel affiché peuvent en effet se camoufler dépendances affectives et jalousie, d’autant plus douloureuses et difficiles à combattre qu’elles sont refoulées et non assumées.
Ces considérations m’amènent donc à rechercher, à construire des relations formalisées, au sein desquelles il pourrait être aisé, à moi et à mes “partenaires”, d’exprimer, d’extérioriser attentes et envies, frustrations et déceptions. Dans une relation construite dans cette optique, il est primordial de prendre le temps, de ne pas se satisfaire d’une façade officielle reluisante et politiquement correcte, de prendre du recul et de réviser son point de vue à mesure que la situation évolue.
Ainsi, peut-être, est-il possible d’inventer du commun en construisant l’autonomie. L’articulation entre l’individuE et le collectif est un combat permanent. Y compris quand le collectif ne rassemble que deux personnes.
Qu’est-ce que les femmes ont apporté à la politique ? En théorie, et dans la pratique (méthodes, corps) ?
Mathieu : Elles ont déjà apporté une meilleure mais encore insuffisante représentation des femmes ce qui est le principal ! Ensuite la question d’un changement de la politique par les femmes est délicate. On serait tentés parfois effectivement de se réjouir de l’arrivée d’autres façons de faire de la politique, de gérer le pouvoir. Mais cette tentation est écartée selon moi par au moins deux excellents arguments : Tout d’abord on doit tristement constater que les femmes qui veulent avoir une chance de gravir les divers échelons de la société sont quasiment toujours obligées d’adopter des comportements autoritaires que d’aucuns qualifieraient de masculins. Non pas car ils sont masculins en soi mais parce que la classe sexuée dominante, masculine, en use et abuse pour garder sa place privilégiée. Donc c’est moins des individus avec leurs qualités propres qui grimpent dans les sphères du pouvoir que des personnes prêtes à sacrifier à diverses pratiques autoritaires, sexistes, populistes, eléctoralistes, xénophobes… Les personnes, femmes et hommes, refusant d’adopter ces pratiques ne montant en général pas bien haut. Ainsi comment parler d’un apport des femmes puisque en général le système oblige les personnes à se formater sur un mode autoritaire masculin. L’exception est peut-être dans les mouvements sociaux ou les partis les plus à gauche dans lesquels l’apport des femmes a trouvé plus d’ouverture. Mais ici encore il est difficile de mesurer leur apport puisque les femmes en font partie de manière intrinsèque. L’autre argument est plus spécifiquement à des questions épistémologiques de la définition des femmes et renvoie aux débats féministes. En effet parler de l’apport spécifique des femmes peut paraître quelque peu essentialiste puisque c’est partir du point de vue qu’elles auraient des caractères propres et différents à apporter la politique ici par exemple. En même temps, il serait simpliste de délier la socialisation différente des femmes et parfois les valeurs positives que cette socialisation génère. Ainsi retombe-t-on sur la question classique de la valorisation ou non d’une socialisation féminine qui est certes le fruit d’une domination mais qui peut aussi receler des trésors pour une future et théorique socialisation qui dépasserait les genres. C’est pourquoi je pense que l’apport des femmes est d’abord important par son rôle transgressif, représentatif et de modèle pour les autres femmes mais que dans l’ensemble, les femmes, et certains hommes, n’ont que peu réussi à changer la politique.
Anne-Gaëlle : Je ne pense qu’il y a une façon spécifiquement féminine de faire de la politique. Les conceptions différentialistes me font frémir et me semblent encore plus dangereuses et conservatrices dans le sens où elles ne débouchent absolument pas sur un travail de déconstruction des genres. Ce ne sont pas les femmes qui vont changer la nature du pouvoir. Néanmoins la lutte féministe est pour moi, nécessairement anti-autoritaire donc si toutes les féministes avaient le pouvoir, on peut imaginer que l’on s’acheminerait radicalement vers une société réellement anti-autoritaire !
Quel rapport entre luttes anti-capitalistes, anti-autoritaires, et luttes féministes ?
Mathieu : C’est simple : on ne peut penser les unes sans les autres ! Bien que selon moi. la lutte féministe est probablement la seule à englober clairement les deux autres dans sa pratique courante et dans ses écrits théoriques. En somme être féministe, au sens le plus radical, c’est déjà militer pour les autres causes !
Anne-Gaélle : Les luttes féministes sont pour moi particulièrement englobantes car elles impliquent une forme de lutte antiautoritaire et l’on sait que le capitalisme est basé sur des rapports de productions autoritaires. (C’est un peu simpliste comme explication, je l’avoue !)
APRES LA REVOLUTION…
Pensez-vous que la “révolution sexuelle” a profité à toutes les femmes ?
Mathieu : Faudrait définir la notion même de révolution sexuelle… Il est clair que cette révolution a permis la disparition de nombre de tabous dont certains concernaient l’oppression subie par les femmes. Je pense ici notamment au plaisir féminin, au lesbianisme, à la contraception, etc. Cette révolution a certainement ouvert des brèches dans le patriarcat mais ne l’a pas bouté de son socle. On pourrait même arguer d’un certain nombre de nouvelles oppressions découlant de la révolution sexuelle comme par exemple la récupération du corps des femmes dans l’industrie du sexe ou de la publicité. Donc la révolution sexuelle a ouvert de réelles voies d’émancipation de la sexualité des femmes mais c’est guère un acquis mais plutôt un travail d’éducation mais aussi de recherche qui doit être fait sous peine que de récupération par le patriarcat.
Cette libéralisation des mœurs a-t-elle fait éclater toutes les normes, ou en a-t- elle créé de nouvelles ?
Mathieu : Elle en a bien créé des nouvelles qui ne sont pas toujours vraiment émancipatrices. La publicisation des différents aspects de la sexualité a aussi entraîné leur normalisation souvent implicite en créant des modèles du “vrai rapport sexuel”, du “vrai orgasme”, du “corps parfait”, de la “bonne fréquence des rapports sexuels” et j’en passe et des meilleurs… Mais elle a aussi créé des normes moins oppressantes comme un début de reconnaissance du plaisir féminin, de la diversité de la sexualité ou mieux des sexualités.
Aude : Des amies m’ont souvent raconté que tant qu’elles ne poussaient pas très loin leur “recherche sexuelle” (multipartenariat, bisexualité, sexe collectif et/ou hard), elles avaient peur de ne pas être “épanouies sexuellement”. Peur du regard des autres, mais aussi peur pour soi de louper quelque chose. Mais si l’on parle souvent d’épanouissement sexuel”, demande-t-on de la même manière aux femmes d’être “épanouies intellectuellement”?
Les deux expressions n’ont pas la même fortune, c’est selon moi parce qu’il existe une forte pression sur le corps et la sexualité des femmes.
Je pense qu’on a en effet troqué une norme contre une autre, avec de vieux relents de l’ancienne morale qui reviennent parfois (voir “Salope, va, c’est bien !”}.
Que pensez-vous de la commercialisation du sexe et des corps ? Le capitalisme a-t-il digéré la “révolution sexuelle”?
Mathieu : Tout à fait en tous cas en partie. Ce qui nous montre, si c’était encore à démontrer qu’une révolution que l’on ne fait pas quotidiennement se fait bouffer par le capitalisme. Que ce triste exemple nous serve au moins à remettre au centre la notion de révolution et d’utopie quotidienne dans lequel la notion d’acquis n’a pas de sens.
Aude : Cette révolution a-t-elle visé à mettre sur le marché sexuel plus de femmes, pour pouvoir en consommer plus, est-elle le simple fruit du basculement contemporain dans une société où tout est marchandise ? En clair, la “révolution sexuelle” ne serait-elle pas une révolution bourgeoise, capitaliste et patriarcale ?
Mathieu : Je ne sais pas, n’ayant pas vécu ces années-là…. Mais je me sens plus proche de l’idée d’une révolution trahie, récupérée…. Il est sûr aussi que dès les premiers pas de la révolution sexuelle il y a deux branches qui se distinguent, tout en réclamant cette révolution. D’un côté les mouvements progressistes, notamment féministes et homos, et de l’autre l’industrie du sexe qui y voit la naissance d’un marché du porno, etc. Je pense qu’avec une émancipation certes limitée des femmes il y a la perte pour le patriarcat de tout un esclavage sexuel domestique qui allait de soi… Donc je dirais que le capitalisme a alors proposé au patriarcat de lui fournir contre rémunération de nouvelles esclaves.
LA REVOLUTION SEXUELLE AU RAYON X
Née sous le signe du plaisir et de la joie, la révolution sexuelle vécue par le monde occidental dans les années 60 et 70 a apporté dans son sillage des libertés nouvelles : le droit à l’avortement, la visibilité des gays, la liberté du discours sur la sexualité. Puisque nous vivons cet héritage, si nous souhaitons comprendre ce qui est en jeu aujourd’hui dans nos relations sexuelles et leurs représentations il nous faut aller au- delà de cette image bien connue. C’est alors qu’un autre dessin apparaît.
Entre non-jugement affecté et normes strictes
Vue de la manière la plus prosaïque, la révolution sexuelle correspond à l’apparition en masse de pratiques plus ou moins variées selon l’engagement dans l’avant-garde : triolisme, sexualité de groupe, sadomasochisme, pédophilie, sexe oral, sodomie, nécrophilie, etc. Les best-sellers de l’époque, comme The Joy of Sex du Dr Alex Comfort (1972) OU Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander du psychiatre David Reuben, (1969), veulent rendre compte de la variété de la sexualité humaine sans jugement moral et si possible de manière exhaustive. Ces guides de la sexualité, très en vue, se veulent rassurants et non-normatifs. Mais ils perdent leur but de vue sur deux points importants.
D’abord dans leur discours sur l’homosexualité. Aussi variées soient les pratiques décrites par le Dr Comfort, il hiérarchise les sexualités en plaçant au-dessus de tout “le bon vieux face à face matrimonial”. Et malgré son désir d’exhaustivité, le fait homosexuel n’apparaît pas dans son livre, on y trouve seulement une demi-page sur la bisexualité, à propos de sa possible apparition dans des scènes de sexe de groupe.
Quant à Reuben, il écrit dans Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander “De même qu’un pénis et un pénis égalent zéro, un vagin et un autre vagin égalent zéro.” Avec l’homophobie il est un autre point qui révèle les inégalités continuées par les théoriciens de la révolution sexuelle. C’est la non-réciprocité de certaines pratiques hétérosexuelles. Nul ne s’étonne de voir dans les témoignages de pratiques SM publiés dans les journaux de l’époque que dans la position soumise et victime on ne trouve que des femmes. Au contraire, leur sexe leur ferait désirer à toutes cette même position. De même l’échangisme s’est appelé au début “échange d’épouses” (wife swapping). Et pour citer un dernier exemple d’une inégalité toujours aussi présente avant et après 1968, l’usage des jouets sexuels n’a pas empêché la sodomie de n’être toujours pratiquée que dans la même direction. Le mari encule sa femme, il la baise, il la nique, encore et toujours, dans tous les sens du terme (voir “Contre le coït” dans “Fuck le genre !”).
Inégalités hommes-femmes toujours d’actualité
La nouvelle norme sexuelle se construit par les hommes pour les hommes, autour de leurs désirs, sans tenir compte aucunement des désirs féminins qui, quand ils sont connus, ne sont pas reconnus. Le sexologue japonais Sha Kokken en 1960 reconnaît que les femmes éprouvent plus de plaisir quand leur vagin est stimulé par une pénétration avec des doigts que dans un coït. Il n’en interdit pas moins cette pratique au motif que “le vagin est normalement réservé au pénis”. Au fond, ce qui compte le plus, c’est le plaisir masculin. Dans un beau lapsus, un thuriféraire de Wilhelm Reich nous engage à croire dans le féminisme du grand homme, soucieux du désir de la femme et des exigences de son plaisir sexuel… à lui (article possessif masculin “his “).
C’est que biologiquement, les femmes peuvent toujours d’adapter. Alors que le désir masculin est un fleuve trop puissant pour connaître des limites… C’est la nature, c’est la vie, mesdames il faudra vous adapter à cette violence.
Dans ces conditions beaucoup de femmes se sentent mal à l’aise devant les pratiques sexuelles auxquelles elles sont gentiment soumises. La sexologie parle alors d’inhibitions. Une façon de psychologiser une angoisse légitime pour imposer des pratiques de violence réelle ou symbolique envers les femmes. Alors elles font avec. Dans une correspondance entre femmes, celles-ci admettent ne pas pouvoir supporter d’avaler le sperme de leur partenaire. Elles s’échangent alors de véritables conseils de ménagères pour rendre ce travail sexuel moin pénible. La libération dont on parle si volontiers est l’imposition sur les femmes d’un nouveau travail et d’une forte pression sur leurs comportements sexuels. La question se pose : la révolution sexuelle a-t-elle vraiment visé à libérer les femmes ? Elle a condamné très fortement le lesbianisme, tout comme les hommes pédophiles condamnaient l’expression de la sexualité enfantine quand le désir portait un enfant vers un autre. Ce refus de voir les femmes et les enfants se libérer quand les hommes adultes ne profitent pas de cette ”libération” doit être interprété ni plus ni moins comme la conquête par les hommes de nouveaux droits sexuels sur les objets de leurs désirs.
La révolution sexuelle sera politique
Comfort, Reuben, auxquels on peut ajouter les célèbres Masters et Johnson, sont loin de faire de la sexualité un outil politique, il s’agit simplement pour eux de vivre mieux et de profiter de la vie. Il n’est donc pas si étonnant qu’ils n’aient aucune réflexion sur les enjeux de pouvoir dans la sexualité.
Mais alors que la révolution sexuelle était vécue et écrite comme le fer de lance de la révolution par des personnalités très politiques comme Wilhelm Reich, Herbert Marcuse, l’éditeur
Maurice Girodias et leurs successeurs, jamais ceux-ci ne se sont inquiétés des inégalités qui pouvaient être reproduites ou accentuées dans les rapports sexuels. Le sexe était seulement l’expression de la liberté de l’homme et cette liberté ne pouvait être réprimée plus longtemps par le capitalisme et son bras armé, l’institution familiale.
Si la sexualité était éminemment politique, les femmes ne devaient pas s’attendre à ce que l’on acceptât de faire de cette nouvelle sexualité le moyen de leur émancipation. Les féministes les plus radicales proposent même que si les relations sexuelles des jeunes femmes célibataires ont été acceptées, c’était par peur de leur émancipation sociale et pour les garder sous le contrôle masculin de leurs amants, la sexualité devenant alors le moyen d’entraver encore plus les femmes.
Une révolution confisquée ?
De la liberté des années 70 on est vite passé au libéralisme des années 80. L’absence de réflexion sur les rapports de pouvoir dans une relation sexuelle entre un homme et une femme, ou entre un homme et un enfant, rejoint le libéralisme capitaliste qui veut nous faire croire en des chances égales pour tous pour justifier l’absence ou la destruction de processus de redistribution de la richesse sociale. Chances égales, et chacun pour soi.
D’autre part, l’injonction à avoir du plaisir pour s’épanouir était accompagnée d’un relativisme moral certain. Il n’y avait plus de victimes d’actes de violence sexuelle, juste des femmes et des enfants à l’esprit étroit pour les unes ou affabulateurs pour les autres. Cette injonction à consommer l’autre sans tenir compte de ses désirs ressemble de très près à l’injonction capitaliste à la consommation d’objets. Le consumérisme sexuel et un individualisme forcené semblent constituer l’héritage le plus visible de ces années de révolution manquée…
Aude
Les citations et les faits sont tirés de Sheila Jeffreys, Anticlimax (The Women Press, Londres, 1990). Cette historienne féministe a fait un travail de lecture essentiel des discours sexologiques dominants tout au long du XXème siècle. Ce texte est fortement influencé par le chapitre “The sexual revolution”, pp.91-144.
SALOPE, VA, C’EST BIEN !
C’est ce que m’écrit un jour un copain à la lecture de je ne sais plus quel “exploit” vaguement sexuel dont je ne me souviens plus. Plus tard la une d’un magazine attrape mon attention dans la rue : “Votre copine est-elle vicieuse ? Si oui, gardez-là !”[10].
Pour être comme il faut, bien dans ses pompes, il faut être une “salope”. Pour plaire à son jules, il faut être “vicieuse”. Deux mots qui dans un contexte sexuel peuvent aider à irriguer une queue et exciter monsieur, mais qui renvoient quand même un peu à des notions négatives, non ? Notre vie sexuelle, à nous les filles, est ainsi soumise à une double pression : être bonne, aimer la queue, tout en sachant que ces deux “qualités” peuvent être mises à défaut, retournées comme un gant, et devenir des insultes.
Une injonction paradoxale
Une autre copain, pro-féministe, m’aide à mettre un nom bien connu sur ce constat : “l’injonction paradoxale”. Être à la fois “libérée”[11] sexuellement, se sentir bien dans sa peau, aimer le sexe… mais il faut rester une fille sérieuse qui rougirait devant une queue en érection.
C’est la vieille division des femmes : maman ou putain… sauf qu’aujourd’hui il faut être les deux à la fois ! Jouer avec les identités, passer de l’une à l’autre, sans s’y laisser enfermer. Un vrai numéro d’équilibriste !
Un dosage parfait
Être sexy, s’habiller mini pour offrir un joli spectacle et se sentir désirable, et en même temps ne pas ressembler à une pute.
Se montrer ouverte aux aventures amoureuses, mais ne pas avoir l’air trop disponible pour ne pas subir la drague lourde/l’agression.
Ressembler aux filles des magazines alors qu’on sait bien qu’elles se feraient agresser ou violer dans n’importe quel milieu qui ne serait pas surprotégé. L’injonction paradoxale est un désagrément certain pour les filles des centres-villes à qui l’on fait des remarques quand elles sont jolies… et quand elles ne le sont pas assez. Mais c’est une pression parfois tragique pour les nanas des banlieues qui disent s’attifer en jogging pour en pas être la prochaine victime d’un viol collectif.
Répondre aux remarques de ceux qui nous voudraient plus comme ci et moins comme ça. Ignorer les injonctions (parfois relayées par les autres femmes) sur notre corps, notre apparence. Notre comportement. n’est pas facile, mais c’est par ces petites révoltes que passe la reconquête de notre liberté.
Aude
LE FEMINISME ECOLO : NI ESSENTIALISTE NI UNIVERSALISTE
Lors d’un rassemblement écolo dans le Morvan, nous nous sommes aperçu-e-s que nous n’étions pas très satisfaites et satisfaits des théories féministes. Ce texte se veut être une introduction pour approfondir notre réflexion sur ce que peut être un féminisme écolo.Le féminisme est aujourd’hui traversé par deux courants majoritaires : le courant essentialiste (ou différentialiste) et le courant universaliste. Il convient donc de résumer et de critiquer ces deux courants pour pouvoir les dépasser :
–Le courant essentialiste proclame le droit à la différence. Pour ces “féministes”, il existerait des spécificités féminines complémentaires des spécificités masculines. Par exemple, les femmes seraient naturellement plus fidèles que les hommes. Ce courant prétend à une utilisation harmonieuse des compétences féminines dans la complémentarité des deux sexes pour le plus grand bien de la société. Ce courant se revendique féministe car il fait l’apologie des valeurs dites féminines. Ces arguments ont particulièrement été évoqués lors du débat sur la parité politique. La parité, selon les essentialistes, humaniserait l’action publique car les femmes sont naturellement plus douces et plus proches des réalités quotidiennes alors que les hommes ont une aptitude naturelle à l’abstraction et l’idéologie.
–Le courant universaliste proclame, le droit à l’égalité. Il revendique l’égalité stricte des droits au nom d’un principe fondateur de la République qui est la suspension des particularismes. Pour les universalistes, la différence biologique ne peut expliquer les différences de comportement et la domination. Toutes les différences sont expliquées culturellement. Par exemple, les jeunes filles s’orientent vers des filières faiblement valorisées alors que leurs résultats scolaires sont meilleurs que les garçons. Pour les universalistes, ce phénomène serait le résultat d’une culture intégrée peu à peu durant l’enfance et l’adolescence de ce que sont les métiers féminins et les métiers masculins. Les luttes des universalistes sont donc plutôt tournées vers le droit, elles agissent sur les lois pour parvenir à l’égalité pour tous et toutes.
Mais, le féminisme vu par ces deux courants a des effets pervers pour les femmes.
– En affirmant que les différences biologiques entre les hommes et les femmes font des deux genres des êtres de nature différente, les essentialistes justifient le traitement différencié qui est fait aux hommes et aux femmes et exclut les femmes de tout ce qui pourrait concerner les choses sales (les affaires de frics, les trucs trop abstraits, etc.)
-Les autres pensent que les femmes doivent se battre pour accéder à tous ces trucs de mecs. Bref, tant que la moyenne des femmes n’aura pas atteint le niveau de pourriture de la moyenne des hommes, ça n’ira pas !
En tant que féministe, je ne peux donc pas me satisfaire des positions essentialiste qui détermine auparavant ce que nous devons être pour être des femmes ! Mais en tant qu’écologiste, je ne peux me résoudre à devenir une “executive woman”, cette icône des universalistes qui voient dans le travail des femmes l’outil de leur libération. Voulons-nous réellement une société où les femmes seront des battantes prêtes à écraser leurs collègues masculins pour être émancipées ? Même si selon les critères habituels elles ont réussi, mes modèles féminins ne sont pas Condoleezza Rice ou Margaret Thatcher…
La société capitaliste ne libérera pas les femmes car même si elles parviennent à obtenir toutes les armes pour lutter également avec les hommes, la majorité d’entre elles restera opprimée. En effet, le système de concurrence dans le système capitaliste libérera à la limite une petite partie des bourgeoises hautement diplômée, prêtes à renoncer à une partie de leur vie privée (comme le font les hommes en laissant les tâches privées à leurs femmes).
Très peu de personnes sont capables de réussir une vie amicale, culturelle, familiale, affective en travaillant à des heures impossibles et dans le stress. C’est même pour cela que la société a maintenu les femmes dans toutes les tâches “privées” pour pouvoir libérer leurs maris de ces contraintes et mieux les exploiter au boulot pour le bien de l’économie et de la France.
On parle souvent concernant les femmes d’une double journée de boulot. Après l’entreprise, puis les corvées ménagères et familiales, on demande aux femmes de s’entretenir pour continuer à plaire à son petit mari, vous parlez d’une vie émancipée ! Le passage aux 35 heures pourrait être un progrès pour les femmes, elles sont libérées de quatre heures par semaine pour autre chose que le boulot et surtout son mari aussi, ce qui lui permet de mettre lui aussi la main à la pâte dans les tâches quotidiennes.
Le féminisme écolo passe donc obligatoirement par une redéfinition du travail.
Tout d’abord, il n’est pas normal que les tâches dites ménagères ne soit pas autant valorisées que les tâches professionnelles. Je suis sûre que si faire la vaisselle remportait autant de prestige qu’être Bill Gates, les hommes seraient sur le créneau, et la vaisselle serait toujours nickel ! Si, en revanche, le travail économique était perçu comme le fait de produire des choses essentielles pour notre vie et pas des tas de trucs inutiles pour que la croissance augmente, on travaillerait beaucoup moins. Le fait de travailler moins permettrait à tous et toutes de faire toutes les tâches. La recherche de la croissance et de l’efficacité économique a entraîné une spécialisation dans les tâches (le boulanger à faire que du pain, le balayeur à balayer, la blanchisseuse à faire la lessive, etc.). Les divisions sociales et sexuelles des tâches sont la base des hiérarchies sociales et sexuelles.
La libération des femmes passe donc par l’abolition du travail, et des tâches hiérarchisées !
Iseline
RIONS UN PEU AVEC LE SEXISME
Toi aussi, débusque à la devanture des marchand-e-s de journaux des merdes sexistes!
J’aime pas le noir et blanc. Mais si tout le monde en porte, faut voir.
Bien dans ma vie, novembre 2003 Je suis conne. Blonde, on dit maintenant, demain on dira femme. Alors vous pensez, avoir une opinion ou un goût qui m’appartienne en propre…
Chaque semaine avec votre quotidien régional, version Fémina.
Pub pour le supplément féminin de Sud Ouest Dimanche Et le journal généraliste, c’est version Masculino ? Mais non, le masculin c’est universel.
Tandis
Une femme, combien ça coûte ? Équipez-vous en fonction de votre budget.
FHM, mars 2003 Sans commentaire.
Le mari, les enfants, le boulot, j’suis pas près de m’épiler, moi.
Bien dans ma vie, septembre 2003 Le temps que je ne donne pas aux autres je le consacre à mon corps… pour qu’il plaise aux autres.
Pas envie ce soir, faut-il dire non ou simuler ?
Bien dans ma vie, janvier 2003 que Jules quand il n’a pas envie, non c’est non. C’est technique.
Chiche ! jeubnes écolos alternatifs solidaires copyleft avril 2005 www.chicheweb.org
[1] Ann Oakley, Sex, Gender and Society, Temple Smith, Londres, 1972
[2] Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1998.
[3] Penser le genre, quels problèmes ?”, Sociologie, IRES- CO, CNRS, 1991.
[4] Nicole-Claude Mathieu, “Identité sexuelle/sexuée/de sexe. Trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe et genre”, in Daune-Richard, Anne-Marie, Marie-Claude Hurtig et Marie-France Pichevin, Catégorisation de sexe et constructions scientifiques, Aix-en Provence, Université d’Aix-en Provence, 1989.
[5] ertilité naturelle et reproduction forcée”, in L’Arraisonnement des femmes. Essais en anthropologie des sexes, Paris, EHESS, 1985.
[6] Pascale Molinier, L’Enigme de la femme active. Egoïsme, sexe et compassion, Paris, Payot, 2003. Passionnant, à lire absolument !
[7] à ce sujet voir aussi : Françoise Collin, “Pluralité Différence Identité”, Présences, n°38, octobre 1991.
[8] Françoise Héritier citant Julien Joseph Virey dans “Le sang du guerrier et le sang des femmes”, Les Cahiers du GRIF 29, hiver 1984-1985
[9] Queer : mouvement d’origine américaine qui se construit contre l’apparition d’une norme homosexuelle blanche et bourgeoise. Être queer, c’est être un sale pédé, une sale gouine, qui utilise sa sexualité́ de manière subversive.
[10] Max, juin 2002
[11] Voir le texte “La révolution sexuelle au rayon X” pour les guillemets